C’est la nuit noire, je sens des fourmillements là en bas dans mon pied, ça creuse à l’intérieur, je ne vois pas ce que c’est, quelque chose dévore mon pied, je suis en train de tomber.
Mes têtes tombent et roulent, roulent, roulent. L’une dévale un champ jusque dans une rivière, l’autre roule et atterrit dans un amas de ronces, seule une tête est restée sur mon tronc, elle crie, elle crie tellement fort que les autres têtes reviennent à moi en volant dans les airs.
Je regarde mes sexes. L’un a poussé de 10 mètres et il rentre dans tous les trous, il se ballade et il essaye, il se transforme en serpent et il se détache de moi. L’autre sexe lui, se creuse, il y a des fleurs qui poussent à l’intérieur et des abeilles viennent y butiner. Ça me chatouille tellement. Je ris à gorge déployée, ça fait tomber toute la forêt.
Seul, je reste debout.
Je suis maintenant au milieu de la mer. Mon pied se déracine et s’agite d’avant en arrière, j’avance dans l’eau, mes têtes ondulent, sortent à l’air libre et plongent sous l’eau. Ma peau devient écailleuse et lisse, presque gluante. Je glisse, je glisse dans la profondeur de la mer. Cela paraît infini. Je ne sais pas combien d’heures ou combien d’années, j’ai nagé.
© Anne Guinot