« Moi, président »-atelier d’écriture

Entre l’élection de Donald Trump et les présidentielles françaises de 2017. Un espace-temps pour rêver aux lendemains qu’ils chantent ou qu’ils déchantent? Cette année, le thème du concours d’écriture organisé par la Maison de la Francité s’intitulait « Moi, président ». J’ai donc proposé un atelier d’écriture qui avait des airs de jeu de rôles.

Territoire marin sans limite et sans président, utopie écologiste pour bergeronnette et belette, rêverie poétique, empire poulailler sécuritaire, chacun a dessiné son territoire et  partagé sa vision de l’avenir.

© AFP Martin Luther King lors de son discours « I have a dream », le 28 août 1963

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Le réel me fait rêver #1: la grenouille de verre

Dans les histoires, les animaux peuvent parler, les licornes existent pour de vrai et… Pourtant il existe dans la réalité des créatures, parfois bien plus, ou en tous cas aussi surprenantes que dans les histoires. La nature est vraiment magique.

Voilà l’une de ces créatures: la grenouille de verre.

A travers son ventre translucide, on peut voir ses poumons, ses intestins et même les battements de son coeur. Elle vit en Amérique centrale et en Amazonie, dans les forêts chaudes et humides. Elle est verte et réfléchit la lumière presque comme une feuille. Ainsi, pour les prédateurs (et les scientifiques), il est assez difficile de la trouver si elle ne chante pas. Une hypothèse pour expliquer l’origine de ce ventre translucide: cela l’aiderait à éviter les prédateurs (capacité de camouflage / mimétisme appelé « crypsis ou capacité cryptique »).

Autre particularité de cette espèce: ce sont les mâles qui s’occupent des petits, les femelles mettant les voiles dès qu’elles ont pondu les oeufs.

Vous avez dit bizarre?

Questions existentielles #1

Quelques trouvailles surgies d’un jeu que j’appelle « jeu du pourquoi-pourquoi », un jeu d’écriture pratiqué par les Surréalistes. Il faut être minimum deux, plus il y a de joueurs plus il y a de possibilités. Chaque joueur écrit  des questions commençant par « Pourquoi…? » et « Qu’est-ce que…? » et des réponses commençant par « Parce que… » et « C’est… ». Puis les questions et les réponses sont associées au hasard et lues à voix haute. 

  • Pourquoi la mer est bleue? Parce n’avoir aucune certitude et ne plus douter t’enracine au présent.
  • Pourquoi les oiseaux chantent? Parce que nous portons tous les plus belles joies du monde.
  • Pourquoi je demande pourquoi? Parce que sous le clocher la chanson du berger.
  • Pourquoi se brosser les dents? Parce que vivre sans amour c’est déjà mourir un peu.
  • Pourquoi les enfants dansent? Parce que pas de bras pas de chocolat.
  • Qu’est-ce que naître? C’est la vie qui creuse ses sillons en toi. 
  • Pourquoi la mort? Parce que la lune sourit à son ombre. 
  • Pourquoi l’inconstance? Parce que parce que c’est mathématique. 
  • Pourquoi aller à l’école? Parce qu’il y a des jours de bleu heureux. 
  • Qu’est-ce que c’est d’être plein? C’est être un biscuit croustillant enrobé de miel. 
  • Qu’est-ce qui t’arrives? C’est la maladie de l’amour.
  • Qu’est-ce qu’une émotion? C’est une coïncidence.
  • Qu’est-ce que la pluie? C’est la fatigue combinée au stress qui me donne la nausée.
  • Pourquoi aller ailleurs? Parce que je le vaux bien.

Rêve éveillé #3

C’est la nuit noire, je sens des fourmillements là en bas dans mon pied, ça creuse à l’intérieur, je ne vois pas ce que c’est, quelque chose dévore mon pied, je suis en train de tomber. 

Mes têtes tombent et roulent, roulent, roulent. L’une dévale un champ jusque dans une rivière, l’autre roule et atterrit dans un amas de ronces, seule une tête est restée sur mon tronc, elle crie, elle crie tellement fort que les autres têtes reviennent à moi en volant dans les airs. 

Je regarde mes sexes. L’un a poussé de 10 mètres et il rentre dans tous les trous, il se ballade et il essaye, il se transforme en serpent et il se détache de moi. L’autre sexe lui, se creuse, il y a des fleurs qui poussent à l’intérieur et des abeilles viennent y butiner. Ça me chatouille tellement. Je ris à gorge déployée, ça fait tomber toute la forêt. 

Seul, je reste debout. 

Je suis maintenant au milieu de la mer. Mon pied se déracine et s’agite d’avant en arrière, j’avance dans l’eau, mes têtes ondulent, sortent à l’air libre et plongent sous l’eau. Ma peau devient écailleuse et lisse, presque gluante. Je glisse, je glisse dans la profondeur de la mer. Cela paraît infini. Je ne sais pas combien d’heures ou combien d’années, j’ai nagé. 

© Anne Guinot

 Rêve éveillé #2 

Un matin, de retour de la forêt, une lumière scintillante transperce mon corps… Sort de ma bouche un fil blanc. 

Je tire, je tire, je tire encore. J’arrive jusqu’en ville.

Avec le fil, je dessine une marelle. Je saute à deux pieds dedans pour aller de la terre jusqu’au ciel. La ville toute entière est sidérée de me voir là, assise sur un nuage rond au pantalon blanc.

Carnaval de fils blancs. Je démêle le nuage fil par fil. Il ne lui reste que son pantalon. J’enfile le vêtement et je danse allègrement.

J’atterris sur le pavé et le pantalon disparaît.  

© Anne Guinot

Rêve éveillé #1

C’était hier, je vous raconte, j’étais confortablement assise dans mon fauteuil…. j’avais la tête en l’air. Ma tête se détache de mon corps, elle flotte dans les airs, elle s’envole, elle monte, monte, monte…. Fly me to the moon…je vois le dessus de mon immeuble… haut, haut, haut… je vois la ville toute entière… haut, haut, haut… je vois toute la Belgique… haut, haut, haut…ça va tellement vite que je ferme les yeux. 
Je frappe quelque chose de dur, je rebondis, c’est comme si les lois de l’attraction n’existaient plus, j’ouvre les yeux, je suis sur la Lune ! 

La lune, vous voyez à quoi ça ressemble hein ? Je n’ai pas besoin de vous raconter. 

Dans le ciel, une dizaine de vautours tournent autour de moi. Ils ont trois têtes et des légumes en guise de plumes et des ailes en forme de laitue. L’un d’eux fond sur moi, m’attrape avec ses serres par les oreilles et m’emmène. Au loin, j’aperçois une foule d’êtres qui volent dans les airs, ils portent une tunique blanche qui se gonfle avec le vent comme une voile. Ils sont emportés comme des bateaux vers une gigantesque bulle de savon. 

Au dessus de la bulle, le vautour me lâche, je traverse la bulle et j’atterris par terre…

Devant moi, un vieil homme avec une couronne en peau de grenouille sur la tête, le roi ? il fouille dans les poches de sa tunique, il en resort deux yeux, il les mets au dessus de son nez. A sa suite, l’assemblée fait de même.

Je l’apprends plus tard. Les habitants de La lune ont des yeux amovibles, ils les enlèvent à volonté et les rangent jusqu’à ce qu’ils aient besoin de voir à nouveau. Si on perd ses yeux, on peut en emprunter, les plus riches en ont même des réserves !

Le roi sourit, une bulle de savon sort de sa bouche, une image est enfermée à l’intérieur : un homme les bras ouverts. La bulle éclate, le mot « Bienvenue » résonne. 

Un homme prépare un feu, le roi, moi-même et quelques autres, nous asseyons autour du feu, trois hommes apportent de grosses grenouilles (ce sont apparemment des grenouilles volantes, une espèce très répandue sur la Lune). Ils les piquent sur une broche et les font griller sur le feu. Ils ouvrent la bouche et avalent la fumée qui s’échappe. Je fais comme eux.

A la fin du repas, le roi me conduit près d’un trou dans le sol, un puit. Je regarde à l’intérieur, rien qu’un immense trou noir. Il me prend sous son bras et descend au fond du puit : de là, on entend tout ce qui se dit sur terre. J’écoute : « Vous n’êtes plus rentable pour l’entreprise… », « Improductif ! », « On ne va pas vous payer à rien faire ! » « Et cela sert à quoi ce que vous faîtes au juste ? » (ça résonne comme des échos).

Nous remontons. Le roi me tend des petites graines en forme de lune de toutes les couleurs. Une bulle sort de sa bouche : l’image d’un homme semant des graines dans la terre. La bulle éclate…

Au même moment, le roi se dissout comme une fumée et se change en air…

Fly me to the moon…. 

© Anne Guinot 

Le cabinet de curiosité

Aussi appelé « chambre des merveilles », le cabinet de curiosité regroupait presque tout et n’importe quoi, on pouvait par exemple y trouver pêle-mêle des roches volcaniques, du sang de dragon, des téléscopes ou des squelettes de caméléons, l’idée étant de rassembler et mettre en scène les choses les plus belles et les plus surprenantes, avec un accent mis sur le rare, l’étonnant, l’exotique, le bizarre, le curieux. Le récit qui entourait l’objet était au moins aussi important que l’objet lui-même. 

Ici vous trouverez pêle-mêle des créations (textes et images) ou des trésors glanés ici et là, comme un petit inventaire du monde, de mon monde.